Je lis Aurélien d'Aragon, et je suis fascinée par cette écriture, une prose qui respire le poétique, un roman plein d'ellipses. Je me souviens avoir lu les premières pages au Gibert Jeune de St Michel, et je ne sais plus pourquoi je n'ai pas tout de suite acheté le livre. Par restriction, je crois. Acte d'auto-censure dont je suis trop capable quand je veux vraiment quelquechose. Donc j'ai laissé Aurélien sur la table du Gibert, au dernier étage, à la "pochothèque"... pour finalement l'acheter six mois plus tard à la FNAC, quand j'étais en vacances à Paris cet hiver. Cette fois-ci, pas d'hésitation. Le livre m'appelait. Et quand un livre appelle si clairement - Lisez-moi!- il ne faut pas se dérober.
De belles pages sur l'amour. Pour Aragon et Aurélien, c'est un sentiment contradictoire. D'où cette affirmation, p. 258: "La contradiction, l'hypocrisie sont les éléments constitutifs du véritable amour, on ne pourrait les en arracher sans le tuer."
Je ne sais pas quoi penser.
La scène entre Aurélien et Bérénice, dans le bistro anglais... il faudrait tout recopier pour sentir l'ampleur de la scène, cet érotisme retenu, mais peut-être que ce passage renseignera un peu l'atmosphère.
... "Mais pourtant... j'ai besoin de savoir... vous allez partir?
- Dans huit... dix jours..."
Il but une grande gorgée de stout, s'essuya les lèvres avec la serviette de papier: "Dix jours... c'est une minute... et songez à tout le temps perdu ... pourquoi avons-nous perdu tout ce temps?"
Elle hésita, avant de répondre. Elle sentait bien qu'accepter de répondre, c'était tout accepter, c'était l'irréparable. Elle leva sur lui ses diamants noirs: "Nous ne l'avons pas perdu", dit-elle et sur la table sa main droite se posa sur la main gauche d'Aurélien. Il tréssaillit, et ils se turent. Ils goûtèrent cet instant banal comme peu de choses dans leur vie. Enfin, Aurélien, le premier, murmura: "Je ne savais pas, Bérénice... J'ai mis très longtemps à savoir..."
C'était une excuse. Elle ne demanda pas ce qu'il avait mis si longtemps à savoir. Elle le savait. Elle venait de lui donner le droit de l'appeler Bérénice. Il reprit: "Pour la première fois de ma vie..."
Ces mots-là étaient trop forts pour elle. Ses lèvres eurent le tremblement qui en faisaient apparaître les sillons délicats. Il crut qu'elle allait retirer sa main qui était comme une feuille. "Je ne vous crois pas", dit-elle, et il n'éprouva pas le besoin de dire: Croyez-moi, je vous en prie, parce qu'il sut que cela voulait dire : Je vous crois. Il fit tourner son poignet, glissa sa grande main sous la main frêle et creusa sa paume pour la receuillir comme une goutte d'eau. Ses doigts allongés dépassèrent la main, remontèrent sur les douces cordes qui soulèvent la délicatesse des veines. Il les appuya. Il sentit le sang battre. Il songea qu'il touchait le lieu saint des suicides, bleu comme le ciel, bleu comme la liberté:
"Je ne voulais pas y croire, - dit-il encore, - c'était si nouveau... Cela doit être terrible pour un aveugle la première fois qu'il peut voir le jour...
pp.232-233, collection folio plus
dimanche 14 février 2010
samedi 6 février 2010
Encore du tango
D'abord, je m'excuse pour l'affreuse horrible faute de conjugaison que j'ai faite dans ma dernière entrée de blog. La faute a été corrigée, mais j'en ai encore un peu honte... je dirai juste qu'il faut que je révise le passé simple!
A part ça, voici une petite vidéo d'un tango sur la chanson de George Harrison While my guitar gently weeps. Pas de grands moments de passion à la Carmen, mais de la tendresse et de l'intimité. Et puis les pas! On a l'impression qu'ils glissent...
A part ça, voici une petite vidéo d'un tango sur la chanson de George Harrison While my guitar gently weeps. Pas de grands moments de passion à la Carmen, mais de la tendresse et de l'intimité. Et puis les pas! On a l'impression qu'ils glissent...
mercredi 3 février 2010
Tango!
Et Anne découvrit... le tango argentin.
Et Anne comprit enfin que la raison pour laquelle elle ne se tenait pas droite était parce qu'elle tassait toute la partie haute de son corps dans son bassin. Révélation d'un mercredi soir.
Avec la fin des boums, des soirées de lycée et des rocks dansés avec de bons amis, j'ai toujours cherché cette connexion, ce jeu de la danse à deux. J'ai trouvé un cours de danse impro/danse contact l'année dernière à Paris, et maintenant le tango argentin à Bethlehem.
Ce qui est bien avec la danse - et surtout la danse à plusieurs - c'est qu'on communique sans avoir à parler. On partage sans avoir à chercher des sujets communs. On vit ensemble, le temps d'une danse, d'un cours. C'est chouette!
Le tango argentin, tel qu'il est enseigné par ma prof, consiste davantage à sentir les mouvements de l'autre qu'à élaborer de somptueuses chorégraphies. Les trois minutes d'un tango sont trois minutes partagées entre deux personnes. Une conversation corporelle. Un même désir de légereté. Tendre vers l'immatériel, vers la connexion la plus précise et poignante.
Et la chanson s'arrête et on recommence, ou bien on sourit, on se salue, et on s'en va.
Et Anne comprit enfin que la raison pour laquelle elle ne se tenait pas droite était parce qu'elle tassait toute la partie haute de son corps dans son bassin. Révélation d'un mercredi soir.
Avec la fin des boums, des soirées de lycée et des rocks dansés avec de bons amis, j'ai toujours cherché cette connexion, ce jeu de la danse à deux. J'ai trouvé un cours de danse impro/danse contact l'année dernière à Paris, et maintenant le tango argentin à Bethlehem.
Ce qui est bien avec la danse - et surtout la danse à plusieurs - c'est qu'on communique sans avoir à parler. On partage sans avoir à chercher des sujets communs. On vit ensemble, le temps d'une danse, d'un cours. C'est chouette!
Le tango argentin, tel qu'il est enseigné par ma prof, consiste davantage à sentir les mouvements de l'autre qu'à élaborer de somptueuses chorégraphies. Les trois minutes d'un tango sont trois minutes partagées entre deux personnes. Une conversation corporelle. Un même désir de légereté. Tendre vers l'immatériel, vers la connexion la plus précise et poignante.
Et la chanson s'arrête et on recommence, ou bien on sourit, on se salue, et on s'en va.

jeudi 28 janvier 2010
On acting and big dogs
My relationship with acting is similar to the one I have with bigger dogs. Encounters between us can go really well, but they can also go awry. On the successful days in acting, or in front of a doberman, I ease into the situation. I don't get tensed up. Stay loose. My fear is channeled and left where no body can sense it. I reach out my hand, ready for anything: a stare, a sniff, a lick. I am certain that there will be no biting.
Not so with other days. Propelled in the action, there's no time to prepare. I didn't know a pitbull lived here! What am I supposed to do, act like it's a kitten? Thoughts rush into my head, freezing me still. Why would anyone think it a good idea to have a beast in a house? What is this business of having pets anyway? God, it's looking at me strange. Is it snearing? I think it is. Now it's barking! It's running towards me! Help! Help! HELP! Someone rescue me before I get devoured!
How to control such ups and downs?
Technique, my friend. Which basically means : practice. And never, ever stop practicing. Because there is a reason to be scared. Dogs used to be wild. Until we tamed them.
But does the wild, the unpredictable, ever go completely away...
Not so with other days. Propelled in the action, there's no time to prepare. I didn't know a pitbull lived here! What am I supposed to do, act like it's a kitten? Thoughts rush into my head, freezing me still. Why would anyone think it a good idea to have a beast in a house? What is this business of having pets anyway? God, it's looking at me strange. Is it snearing? I think it is. Now it's barking! It's running towards me! Help! Help! HELP! Someone rescue me before I get devoured!
How to control such ups and downs?
Technique, my friend. Which basically means : practice. And never, ever stop practicing. Because there is a reason to be scared. Dogs used to be wild. Until we tamed them.
But does the wild, the unpredictable, ever go completely away...
samedi 23 janvier 2010
Moment
Il y a des moments où tout se clarifie. Eclaircissement de mon petit monde. Je suis là où je dois être. Et quand ceci sera fini, je serai où je devrai être aussi. C'est simple, ou plutôt, c'est sans ambiguité.
Je ne sais pas combien de temps ce moment de lucidité va durer. Demain peut-être, ou dans les minutes qui vont suivre, qui sait, je serais à nouveau plongée dans l'anxiété.
"Est-ce vraiment nécéssaire, important, crucial, de faire du... théâtre?" "Pourquoi être si loin de tout, ici, à... Bethlehem (et ce nom! risible! Ah, l'Amérique)?"
Mais pour l'instant je suis dans l'action. Pas vraiment le temps, ou l'inclination, de penser. Il faut préparer le spectacle qui arrive, lire un rôle pour la lecture publique de la semaine prochaine, préparer les cours pour les ateliers qui commencent, faire de la recherche dramaturgique pour une pièce en train de se créer, et puis faire un peu plus d'efforts pour rencontrer les gens qui habitent dans la même ville que moi, ou au moins le même état, le même pays... vivre, quoi. Et arrêter de se torturer pour rien. Arrêter d'essayer de contrôler l'avenir, arrêter d'avoir peur de ce qui va être sans apprécier ce qui est. C'est pas toujours facile, mais parfois ça se passe sans qu'on s'en aperçoive. Subrepticement, on oublie - j'oublie - de m'angoisser. Petit moment de bonheur, moment de calme, de serenité.
Essayer de le faire durer, ce moment sacré.
Je ne sais pas combien de temps ce moment de lucidité va durer. Demain peut-être, ou dans les minutes qui vont suivre, qui sait, je serais à nouveau plongée dans l'anxiété.
"Est-ce vraiment nécéssaire, important, crucial, de faire du... théâtre?" "Pourquoi être si loin de tout, ici, à... Bethlehem (et ce nom! risible! Ah, l'Amérique)?"
Mais pour l'instant je suis dans l'action. Pas vraiment le temps, ou l'inclination, de penser. Il faut préparer le spectacle qui arrive, lire un rôle pour la lecture publique de la semaine prochaine, préparer les cours pour les ateliers qui commencent, faire de la recherche dramaturgique pour une pièce en train de se créer, et puis faire un peu plus d'efforts pour rencontrer les gens qui habitent dans la même ville que moi, ou au moins le même état, le même pays... vivre, quoi. Et arrêter de se torturer pour rien. Arrêter d'essayer de contrôler l'avenir, arrêter d'avoir peur de ce qui va être sans apprécier ce qui est. C'est pas toujours facile, mais parfois ça se passe sans qu'on s'en aperçoive. Subrepticement, on oublie - j'oublie - de m'angoisser. Petit moment de bonheur, moment de calme, de serenité.
Essayer de le faire durer, ce moment sacré.
dimanche 17 janvier 2010
Fracture

Ceux qui me connaissent le savent: je réfléchis beaucoup. Le problème, c'est que mon cerveau finit par prendre le dessus en termes de créativité. Tout se passe là-haut, et peu se passe dans le reste du corps. Il y a une certaine déconnexion entre la tête et le reste. Je suis consciente de cette caractéristique, mais elle a été particulièrement mise en lumière lorsque j'ai executé un exercice de jeu devant un des acteurs du théâtre. Il s'agissait, pour cet exercice, de parcourir l'espace d'un point à un autre ; une fois en explorant l'espace sur un mode comique, et une fois sur un mode tragique. Il fallait explorer ce que ça voulait dire de marcher "comiquement" et "tragiquement" dans l'espace: se soucier de la ligne, du mouvement, de l'espace, de la texture, de la couleur, du rythme. Explorer toutes les facettes du mouvement, de la relation du corps avec le sol, avec le plafond, avec l'air. Exercice difficile.
Mon spectateur-professeur (Bill) n'a pas dit grand-chose sur ma marche tragique. Mais par contre, la marche comique! Elle était contrôlée par ma tête. Une marche droite, un seul rythme, quelques coupures mais peu de changements de tempo. Ce n'était pas, en soi, une marche ratée, mais je ne m'étais pas donnée le loisir d'explorer toutes les possibilités. Je n'ai fait que penser à cette marche, plutôt que de la ressentir, et de me laisser aller dans l'exploration.
Bill m'a donc dit de me concentrer sur la pensée instinctive, émotionnelle. Le truc c'est que je sais qu'elle existe en moi. Je me souviens, petite, que j'avais une compréhension physique des choses. Quand j'ai commencé à jouer au théâtre, vers 10 ans, je ne réfléchissais pas. Je faisais. Et puis, avec chaque année, l'action était chaque fois plus teintée par la reflexion, puis carrément remplacée par elle. Jusqu'au jour où j'ai finalement arrêté de jouer régulièrement. Et j'ai commencé plus sérieusement à écrire. Coincidence?
Zach et moi préparons maintenant notre spectacle. Touchstone permet tous les ans aux apprentis de travailler par eux-mêmes pour aboutir sur des créations originales présentées dans le théâtre pour deux soirées en fin février. On vient de commencer à travailler. Je ne sais pas encore ce qui va ressortir des répétitions, mais je sais que je vais tout faire pour rétablir un certain équilibre entre mon cerveau et mon corps en mouvement.
mardi 5 janvier 2010
New Year post
New Year's resolutions? I probably have some unformulated, unsubstantiated wishes swimming around in the swampy lands of my brain. But I have also recently bluntly discovered that it's best not to rely on illlusions to go forward. So my best resolution this year is to solve problems and deal with issues as they come, whether they come from inside me or from the outside.
One thing for sure, this last year has taught me enormous amounts on both professional and personal fronts. I feel like I'm in a whirlwind of learning, and, to be perfectly honest, it is more painful than it is exhilirating. But I'm hoping that the exhiliration will kick in eventually, or at least that the hard road I'm taking will not lead to regret.
I remember last year, on the 31rst of december, I was in a train on my way to Normandy for a party. I decided to write about my year, and couldn't find many positive things to say. 2008 had sucked, in many respects. I had not found my footing in Paris, I had nearly failed my first year of masters, I was overcome by procrastination and light depression, I had had a few nervous breakdowns (I think bursting in tears and screaming in a cinema because you lost a dvd can constitute some sort of nervous collapse)... and I had few positive successes to make up for all that negative stuff.
This time around, I was on a plane on the last day of the year, so I also had time to reminisce. 2009 had gone so much better, it was amazing how different one year could be compared to another. And although I wasn't in the best spirits on the 31rst of this year, I was not beaten. I felt I still had some resources to fight and live, because my self-esteem was back with a vengence. In 2009, I have started to learn the meaning of the expression "pulling yourself by your bootstraps": I saved my dissertation (ie. I really started working on it), I applied for dream jobs and got the one I wanted most. I put myself in positions where I could meet people who inspired me. That doesn't mean 2009 was a rosy year, all happy and cheery. I have been hurt, disappointed, bereaved. But, because I trust myself, I'm not crushed. And because I trust myself, I learn.
"Living" and "learning", aren't they, in the end, synonyms?
Therefore, I wish to all of you gentle readers health and self-esteem for 2010!
Happy New Year!
One thing for sure, this last year has taught me enormous amounts on both professional and personal fronts. I feel like I'm in a whirlwind of learning, and, to be perfectly honest, it is more painful than it is exhilirating. But I'm hoping that the exhiliration will kick in eventually, or at least that the hard road I'm taking will not lead to regret.
I remember last year, on the 31rst of december, I was in a train on my way to Normandy for a party. I decided to write about my year, and couldn't find many positive things to say. 2008 had sucked, in many respects. I had not found my footing in Paris, I had nearly failed my first year of masters, I was overcome by procrastination and light depression, I had had a few nervous breakdowns (I think bursting in tears and screaming in a cinema because you lost a dvd can constitute some sort of nervous collapse)... and I had few positive successes to make up for all that negative stuff.
This time around, I was on a plane on the last day of the year, so I also had time to reminisce. 2009 had gone so much better, it was amazing how different one year could be compared to another. And although I wasn't in the best spirits on the 31rst of this year, I was not beaten. I felt I still had some resources to fight and live, because my self-esteem was back with a vengence. In 2009, I have started to learn the meaning of the expression "pulling yourself by your bootstraps": I saved my dissertation (ie. I really started working on it), I applied for dream jobs and got the one I wanted most. I put myself in positions where I could meet people who inspired me. That doesn't mean 2009 was a rosy year, all happy and cheery. I have been hurt, disappointed, bereaved. But, because I trust myself, I'm not crushed. And because I trust myself, I learn.
"Living" and "learning", aren't they, in the end, synonyms?
Therefore, I wish to all of you gentle readers health and self-esteem for 2010!
Happy New Year!
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