jeudi 17 décembre 2009

Life's teaching style

There's something to be said about starting your professional life... some things good, some things bad. Somehow, when I envisioned my life, I skipped the whole "apprentice' part... the part where you learn your trade after school but where you're definitely not accomplished by any stretch of the imagination. Because school, as it turns out, is only part of the whole learning experience. I know! Who could have guessed, right? And life then turns out to, sometimes, all the time actually, teach you the lessons. But not in the orderly way of school. I would characterize life's teaching style as rather more nerve-racking. Much more stimulating, too, sure, but definitely very nerve-racking. Or is it just me?

mercredi 2 décembre 2009

Théâtre et financement: voilà ce qui arrive quand Anne ne lit pas que des romans

Je crois que je vais écrire un bien long message, parce que le thème me tient à cœur, et parce que, comment dire… je suis inspirée. Mais, merde, Anne ! De quoi veux-tu parler, exactement ?
Du théâtre (pour changer…) et de son financement (Ah ! là, d’accord, oui, un peu plus surprenant).

Je suis en train de lire un livre très stimulant ces jours-ci, Creating a World Without Poverty, de Mohammad Yunus (aussi traduit en français). Pas de rapport direct avec le théâtre, mais avec tout le reste : comment réfléchir pragmatiquement pour trouver des modes durables de financement pour aider les populations pauvres à s’en sortir. Et plus généralement, comment faire preuve de créativité pour résoudre des problèmes a priori insolubles.
(note : Yunus et la Grameen Bank – prix Nobel de la Paix en 2006.)

Peut-être que les personnes de mon entourage qui s’y connaissent en économie et en
« development studies » auront quelque chose à redire sur les théories Yunus, mais je dois avouer qu’en tant que simple lectrice ayant eu pour initiation économique les cours de 2nde, 1ère et Terminale de Mrs Robat (prof assez géniale), je suis conquise. Pas toujours complètement d’accord, et assez souvent dubitative sur la façon dont toutes les institutions Grameen sont financées (et génératrices de profit), mais conquise quand même. Le pragmatisme optimiste de l’auteur est contagieux.

Pour résumer, Yunus est un professeur d’économie du Bangladesh qui s’est improvisé
« banquier pour les pauvres » quand il s’est rendu compte que les populations pauvres et rurales de son pays étaient ignorées par les services financiers. En effet, lorsqu’on est trop pauvre, impossible d’emprunter, et donc aucun moyen de financer des projets, aussi modestes soient-ils. Donc Yunus s’est mis à réfléchir à un système de prêt adapté, ce qui a conduit à l’émergence du concept de microcrédit. Le système s’est crée pour répondre aux besoins de la population, et pas l’inverse. La première institution qui s’est développée à partir de cette idée de microcrédit était la Grameen Bank. Maintenant, il ya une ribambelle d’entreprises et d’institutions affiliées qui ont toutes « Grameen » dans leur nom, mais qui couvrent un vaste champ de besoins et de services. Toutes sont aussi censées avoir comme préoccupation centrale d’aider et de servir les populations à risque, plutôt que de les arnaquer.

La pensée particulièrement stimulante de Yunus, c’est de dire que les pauvres peuvent se servir eux-mêmes si on leur donne la possibilité de le faire. Plutôt que de considérer les populations pauvres comme étant irresponsables et indignes de la confiance des plus riches, Yunus stipule que les pauvres sont tout simplement privés de l’opportunité de s’enrichir, dans tous les sens du terme. Et quand il parle d’opportunité, il ne parle pas simplement d’argent, mais d’un tremplin qui permette à chaque personne de prendre confiance, et de trouver la force d’innover.

Yunus questionne, interroge et finit par défier le concept de charité, en disant que ce n’est pas quelque chose de très efficace : l’argent fini par être avalé par les institutions au service d’un seul projet, alors que cet argent pourrait être utilisé pour un projet puis réutilisé pour autre chose si seulement le capital était investi au lieu d’être légué. En plus, lorsqu’une institution bénéficie de fonds caritatifs, elle a moins besoin d’être compétitive, puisque la façon dont elle est financée ne dépend pas du marché. En plus en plus, les bénéficiaires de l’argent caritatif sont très souvent passifs au lieu d’être activement en charge de leurs destins, de leurs carrières et de leurs familles.

Ce que Yunus encourage, c’est un modèle qui se détache du modèle caritatif pour flirter avec la compétition de marché, sans toutefois considérer le profit financier comme seul but de la démarche. Ce qui nous amène au « social business », traduit par « business social » (j’adore les traductions qui n’en sont pas !). En gros, un business social est une entreprise qui génère suffisamment d’argent pour s’auto-financer, mais qui ne fait pas plus de bénéfices pour enrichir ses investisseurs. Car ses investisseurs ont accepté de ne récupérer que l’argent qu’ils ont investi, sans profit. Mais ils n’ont pas accepté de simplement donner leur argent : ils comptent bien le récupérer, après un certain nombre d’années. Une fois récupéré, ils peuvent réinvestir l’argent dans la même entreprise s’ils le souhaitent (mais sans obligation). Ce modèle de business social veut voir tous les participants tirer leur épingle du jeu. Bien sûr, les investisseurs ne sont pas là pour s’enrichir, mais ils contribuent sans perte à aider d’autres personnes à sortir de la précarité.

Tout ça pour en venir au théâtre…

La question qui revient sans cesse, partout, tout le temps, quand on travaille dans un théâtre, c’est :
« Comment faire pour financer tout ça ? »

De cette question générale surgissent des questions particulières :

1. « Comment trouver suffisamment d’argent pour mener à bien un projet ? »
réponse courante en France : « envoyer des dossiers de subventions publiques », et, plus rarement, mais quand même de temps en temps : « demander de l’argent à des institutions privées » et aussi : « utiliser les recettes du spectacle précédent s’il en reste pour un nouveau projet ».

2. « Comment payer les artistes ? » réponse : « comme on peut, avec le peu qu’on a. Parfois, ne pas les payer et se contenter de les défrayer ».

3. « Comment payer les administrateurs ? » réponse : « le plus souvent, chercher des stagiaires qui ne coûtent pas cher, et possiblement établir un contrat en CDD pour une période plus ou moins longue ».

4. « Comment avoir l’assurance que l’on pourra entamer un nouveau projet ? » réponse : « pas d’assurance, le théâtre est un métier risqué ».

Toutes ces questions-réponses ont comme même refrain celui de la précarité. On n’est jamais sûr de pouvoir avancer, donc on ne peut pas se concentrer à 100% sur la tâche principale, qui est celle de faire du beau et stimulant et magnifique théâtre.

Alors, bien sûr, il ne s’agit pas, dans le cas du théâtre, d’éradiquer la pauvreté dans le monde. Le théâtre n’est pas quelque chose dont on a absolument besoin. On peut s’en passer, mais on peut aussi s’enrichir à son contact (ou s’emmerder, mais chut, faut pas le dire). Etant donné que je passe le plus clair de mon temps à promouvoir le théâtre et à le servir, je suis persuadée que cet art est utile pour la société, même si pas fondamentalement nécessaire. Mais je me heurte à l’éternel problème du financement.

Pourquoi ne pas tenter de s’écarter du modèle caritatif (subventions publiques) pour se rapprocher d’un modèle de business social ? Une sorte de troisième voie entre le théâtre public et le théâtre privé… Je ne dis pas qu’on ne pourrait pas commencer par avoir des fonds légués par une institution, mais avoir comme but dans le moyen terme d’être auto-suffisant, et petit à petit, de générer suffisamment de profit afin de réinjecter de l’argent dans de nouveaux projets, et attirer des investisseurs « sociaux ».

Si c’était aussi simple, je ne serais pas en train d’écrire toutes ces âneries (ou anneries, c’est comme vous voulez) à 1h30 du mat.
Et là, il est temps que je vous renvoie aux posts de Christopher Ashworth (en anglais)
http://chrisashworth.org/blog/2009/10/14/toward-a-new-funding-model-for-theater/
et
http://chrisashworth.org/blog/2009/03/15/theater-economics/ ,
qui sont assez beautiful, si je puis me permettre cet englishism.

Et oui, le théâtre est un art anti-capitaliste parce que si cher à fabriquer, et si difficile à vendre en masse.
Donc, conclusion, on ne peut pas vraiment compter sur la vente du produit fini pour permettre aux artistes de manger ou, rêvons un peu, de mettre de la margarine dans la mâche (parce que les épinards, c’est vraiment du luxe, les gars).

Donc… il faut penser le théâtre comme quelque chose de plus général qu’un spectacle. Il faudrait penser le théâtre comme plus qu’un simple divertissement. Il faudrait penser le théâtre comme une expérience qui vaut la peine (et l’argent) d’être vécue : une expérience dans laquelle les personnes plus aisées auraient vraiment envie d’investir, et de laquelle les plus pauvres ne seraient pas exclus.

Une des solutions proposées par Chris Ashworth, c’est de créer une tarification à mi-chemin entre la souscription traditionnelle théâtrale (120 euros pour les 4 spectacles de la saison d’un théâtre) et l’abonnement à un magazine (15 euros par mois pour un hebdomadaire). Ou, en fait, plus simplement, de copier l’idée de la carte UGC, mais adaptée au théâtre. L’idée serait d’avoir un prix net par mois pour les adhérents avec la possibilité de voir tous les spectacles proposés, et, en bonus, d’être inclus dans le processus artistique. Par exemple, avoir le privilège d’assister à une répétition, ou de participer à un atelier. Les artistes sont obligés de passer par la case « développement » pour mener à bien le spectacle, donc pourquoi ne pas partager, ne serait-ce qu’un peu, ce processus ?

Mais le problème, mademoiselle, c’est qu’une petite troupe de théâtre ne peut pas humainement proposer un spectacle par mois, et encore moins plusieurs…
A cela je réponds : en effet, l’idéal, ce serait de rassembler pleins de petites troupes, pour que l’union fasse la force. A Paris, cette union pourrait être explosive (au sens positif) parce qu’il y a une offre fulgurante, et qu’avec ce système d’abonnement, les mordus de théâtre pourraient aller voir pleins de spectacles, et soutenir plusieurs compagnies avec un même abonnement (qui serait plus élevé, selon le nombre de spectacles proposés, peut-être ? Ou bien il pourrait y avoir plusieurs types d’abonnements ?).
Malheureusement, ce rassemblement paraît bien utopique, puisqu’à l’heure actuelle, les petites troupes sont très divisées, et se battent entre elles pour les financements et les salles. Aux Etats-Unis, les théâtres indépendants régionaux se mobilisent de plus en plus ensemble, comme en témoigne l'association NET - Network of Ensemble Theatres - : http://ensembletheaters.net/

Mais, si cette tarification n’est pas encore au point, elle pourrait le devenir, ou quelque chose dans ce genre là. En tout cas, c’est sûr qu’il faut revoir le concept « théâtre » et le lier davantage à la communauté, à la population, le réinvestir de son qualificatif d’art vivant.

Et les pauvres dans tout ça ?
Quand on s’aide soi-même, on peut mieux aider les autres. Un théâtre qui est sorti de la précarité accumule peu à peu les ressources pour établir des programmes d’éducation théâtrale pour les enfants, adolescents et adultes, et peut transmettre durablement la joie du jeu et de l’imagination.
Il est donc urgent d’allier la créativité du processus à celle du spectacle et à celle du financement…

PS : Je sais qu’il y a pleins de choses qui manquent dans ma réflexion, qui ne sont pas logiques… par exemple, la taxation : c’est plus profitable d’être une association loi 1901 parce qu’on est pas taxé, mais en même temps, il y plein de freins à la croissance. Une assoc’ 1901 ne peut que lever des fonds un certain nombre de fois par an, par ex.
Sinon, aussi, le statut des intermittents assure une certaine stabilité… oui, mais, acquérir un statut d’intermittent, c’est pas gagné (on m’a déjà expliqué comment fonctionne le système d’intermittent, mais j’oublie à chaque fois) et les petites compagnies n’ont souvent pas les moyens de payer le cachet du comédien, donc les plus petites structures restent précaires…

PPS : Ce n’est pas parce que je parle de financement du théâtre que je ne suis pas choquée par le débat sur l’identité nationale. Peut-être que j’arriverais à articuler mes pensées dans un post. Tout ce qui me vient à l’esprit pour l’instant, c’est qu’il faudrait trouver une façon médiatique agressive (via internet ?) pour combattre cette idée d’une identité française uniforme, sans tomber dans le cliché de la France « Black-Blanc-Beur »… quelque chose dans le genre : « l’identité française n’est pas prête à être casée », ou autre chose de plus inspiré, quelque chose qui sonne et qui détonne… des idées de slogan ? C’est vrai qu’un slogan ne résout pas tout, mais devant la machine médiatique qu’est Sarkozy, j’ai le sentiment qu’il faut parfois utiliser ses propres armes pour le combattre…