mardi 26 avril 2011

Serres, Foucault et les démons de la recherche

J'avais promis de parler de procrastination, et voilà que le mois d'avril passe à toute allure, et je n'ai rien écrit. Il faut dire - et je crois que l'excuse est légitime - que je me suis déboitée l'épaule le 10 avril. C'était un dimanche. Sur scène, avec un public devant nous, etc. Mais je n'ai pas crié, j'ai même fini une scène importante pour mon personnage (demande en mariage) et le reste de la troupe a fini la pièce sans moi. The show must go on, or something like that. Mais serieux, ça fait mal ces conneries là. Je ne le souhaite à personne, le déboitement d'épaule.
Enfin bref. Me voilà cloisonnée dans une sorte de brassard. Pas très agréable en ces journées chaudes. Nous avons tous été surpris par la chaleur, qui ne s'était pas manifestée depuis un bien, bien long moment. Et voilà que je porte un brassard thérapeutique (quel est le mot approprié pour décrire ce que je porte?) pour acceuillir le printemps. Ironie du sort.

J'ai écouté deux conférences hier soir, dos à dos, sur internet. Première partie de programme: réflexion de Michel Serres sur la notion d'invention. Deuxième conférence: Michel Foucault donnant un cours au Collège de France, en 1984. C'était sans doute dû à l'enregistrement bruyant du cours ou aux manières acceuillantes de Foucault mais... j'y étais: dans l'amphi numéro 5, surcomplet où les auditeurs étaient debout et assis par terre parce que la salle 6 n'était pas sonorisée... la voix unique de Foucault, et, bien sûr, le cheminement de sa pensée qui nous plonge dans la Grèce Antique. Et de quoi parle-t-il? De courage, bien sûr. Je n'ai pas suffisamment lu son oeuvre pour annoncer, preuves à l'appui, que je suis fan de sa philosophie, mais je crois, tout de même que je le suis. Ou du moins, je suis enthousiasmée par son approche honnête et sans chichi de la réflexion philosophique. Et, de ce que je commence à découvrir, je suis aussi impressionnée par sa capacité à analyser et réfléchir son monde - à retourner les problèmes pour les voir sous un prisme différent. Il utilise une forme d'innocence pour arriver à des conclusions savantes. Son dénuement, sa vulnérabilité face au savoir, me touchent beaucoup.
 Je n'ai pas fini la série de cours, n'ayant jusqu'ici écouté que deux podcasts. Mais Foucault a annoncé dans le deuxième enregistrement qu'il parlerait, au moins un peu, plus tard dans la série, de la paresia, le "dire-vrai", dans un contexte moderne. J'ai donc hâte d'écouter la suite. Je serais bien incapable de résumer ces cours, donc si vous êtes intéressés, ils sont disponibles en ligne.

Sur un plan purement personnel, ce qui m'inquiète, c'est que j'ai soif de recherche en ce moment. J'écoute des podcasts de conférences philosophiques, j'établis des thèses dans ma tête... bilinguisme et théâtre-actualité, fruit d'une culture qui communique l'évènement dans la langue de l'instant. C'est le dernier titre en date.
 Mais je n'aime pas la recherche, merde, ça ne mène pas à ce que je veux faire! N'est-ce pas? Mais, d'un autre côté, j'ai aussi du mal à accepter qu'on travaille tous les jours dans des domaines différents sans prendre le temps de considérer la recherche qui est consacrée à ces domaines. J'envie un peu les médecins qui doivent lire la recherche dédiée à leur profession pour continuer à pratiquer le mieux possible. Ce n'est pas tellement que je les envie, mais je ne comprends pas pourquoi on n'a pas cette habitude, ailleurs. Si on considérait la recherche de manière plus disciplinée dans le monde du théâtre, je suis convaincue qu'on ferait moins d'erreurs, et qu'on créerait un théâtre plus innovant. Je ne veux pas m'enfermer dans une tour d'argent, mais je suis convaincue des vertues de la recherche appliquée à la vie.
D'une certaine façon, mon solo pour Fresh Voices, c'était un peu de la recherche, un peu du théâtre. Peut-être qu'il faut que je regarde dans cette direction:  ne pas m'arrêter, ni de réfléchir, ni de faire du théâtre. Et on verra bien ce qui arrivera.

2 commentaires:

Damien Thébault a dit…

J'avoue que dans mon boulot je fais aussi de la veille technologique pour connaître les nouveautées.

Bon c'est sur mon temps perso, et ça m'apporte pas forcément grand chose à part de la satisfaction personnelle et de la frustration par rapport aux autres qui ne font pas ça.

Pour ton épaule, c'est pas une attelle?

Anne Losq a dit…

Une attelle! Oui, c'est ça!! Merci, Damien!

Je suppose qu'il faut aimer son travail pour vouloir investir du temps dans la recherche de nouveautés...