mardi 7 avril 2009

La France, une Monarchie déguisée en République?

Ce message va être en français, parce qu'il touche à un sujet français, donc ça me paraissait un peu con d'écrire en anglais. Voilà pour les explications linguistiques.

Donc, je m'aperçois de plus en plus que la France est un pays bizarre et assez schizophrène. Il ya des tensions réelles entre manichéisme et modernité, entre ségrégation et mixité culturelle et entre répression idéologique et démocratie. Le système politique est lui aussi un peu... étrange. Un président qui détient beaucoup de pouvoir et un premier ministre dans l'ombre (surtout en ce moment) tout en étant très actif et très nécessaire. Je crois que dans beaucoup d'autres pays, c'est soit le président, soit le premier ministre qui gouverne réellement. Il y en a toujours un des deux qui n'a qu'un pouvoir symbolique, fédérateur. Ici, les deux gouvernent et cela crée des conflits, des stagnations parfois (dans la cohabitation, par ex). Bref. Notre système politique est étrange. Comme le systéme d'éducation supérieure, d'ailleurs, entre grandes écoles riches et universités pauvres (je caricature à peine). Comme le discours diplomatique/langue de bois sur les droits de l'homme en contraste avec la politique réelle d'immigration et d'affaires étrangères.

Il ya pas longtemps, à la radio, un journaliste parlait de la France comme d'une "Monarchie déguisée en République". J'ai trouvé ça particulièrement savoureux... avec la révolution, les rois sont combattu, virés, et finalement on n'invente rien de neuf! Même les privilèges restent, sous d'autres formes. Mais cette idée de monarchie (dans le sens repressif du terme, comme monarchie absolue) m'a moins fait rire quand j'ai pensé à l'état actuel de la France. Est-ce qu'on vit vraiment dans une démocratie? Je sais bien qu'aucun pays n'est parfait, qu'il ya des failles dans tout système, mais certains systèmes sont quand même plus démocratiques que d'autres, non? La Monarchie constitutionelle anglaise, par exemple...? Les Etats-Unis? à débattre.

On parle beaucoup de "l'indépendance de la presse" en ce moment, et je me suis rendue compte que toutes les radios publiques ainsi que la télé publique étaient contrôlés de près ou de loin par le gouvernement (pour la télé, on le savait déjà avec tout le tin-toin de France Télévision, l'abolition de la pub le soir et tout ça, les nominations du CSA...). Bon. Mais le pire, c'est que ce mode de fonctionnement n'est pas fondamentalement remis en question, même pas par les journalistes!
Donc en fait, l'indépendance de la presse existerait en France, mais elle est contrôlée par l'Etat... Heureusement qu'il y a internet ("oui, mais, Anne, tu comprends, les articles sur internet, ce n'est pas du vrai journalisme... même quand ils sont écrits par des journalistes". Go figure.)

L'exemple de France Inter est assez interessant parce que c'est une radio publique, mais qui fonctionne sur un mode d'entreprise semi-privée et qui conserve une indépendance intelectuelle louable - comme France Culture ou RFI, d'ailleurs. N'empêche que Sarkozy a exprimé son désaccord avec l'actuel président de Radio France, Jean-Paul Cluzel et ne souhaite pas le reconduire. Pourquoi? On ne sait pas exactement... il ya des rumeurs que Sarkozy n'aime pas certains choix ayant été fait au sein des rédactions nottamment concernant les chroniques de certains humoristes qui passent le matin en heure de grande écoute (Stéphane Guillon et Dider Porte).

Même sous Bush aux Etats Unis, Stephen Colbert, humoriste satirique, avait droit d'antenne sur la télé américaine et une quelconque décision fédérale pour le faire taire aurait provoqué un scandale phénoménal (quoique Colbert est diffusé sur le câble).
Ici, Stéphane Guillon, mille fois moins incisif (et intelligent) que Colbert risque son siège de chroniqueur pour avoir trop longtemps taquiné Strauss-Kahn concernant ses errances sexuelles au FMI et pour avoir fait ce qu'il est censé faire en tant qu'humoriste, c'est à dire être incisif, moqueur, voire outrancier envers les hommes et femmes de pouvoir. Mais, si les politiques apprécient l'humour (politiquement correct, bien sûr), ils n'apprécient pas "l'impertinence", la "moquerie", Grand Dieu, ils ne peuvent pas supporter "l'irrespect" surtout envers leur personne!
On verra bien lors de l'annonce de la grille de rentrée de France Inter qui reste et qui part. Et on saura que certaines décisions seront liées au bon vouloir du président et de sa... cour.

Cet exemple en lui-même n'est pas hyper important. Il se trouve juste que j'écoute beaucoup France Inter, donc je suis au courant. Mais ce genre de décisions est symptomatique de ce qui se passe en France en ce moment. Le même problème existe dans le monde du théâtre public, par exemple (et de la culture en général), où le ministère de la culture a un droit de regard et souvent un droit de décision sur les nominations des directeurs artistiques. Mais merde, c'est pas normal! Parce que l'Etat finance le service public il a le droit de s'immiscer dans le fonctionnement de ces services? Non, pas dans une démocratie. Alors bien sûr, après on parle de financement et on dit que l'argent privé est aussi sale que l'argent public mais, franchement, je commence à bien plus me méfier de l'argent teinté de politique.

Bon, pour détendre l'atmosphère , voici le lien à deux vidéos des humoristes dont je parlais, Stéphane Guillon et Didier Porte, concernant nottamment les remaniements à France Inter. C'est interessant d'entendre, même chez eux, une certaine résignation. Où chercher alors les voix sincères d'opposition?

Stéphane Guillon: http://socialistes.canalblog.com/archives/2009/03/03/12793734.html

Didier Porte: http://www.dailymotion.com/video/x8kjh1_didier-porte-sauve-cluzel_fun

L'audition de Jean-Luc Hesse devant le CSA pour succéder à Jean-Paul Cluzel, actuel président de Radio France:

http://www.20minutes.fr/article/318525/Media-Jean-Luc-Hees-est-passe-devant-le-CSA.php

3 commentaires:

DuCakedHare a dit…

Oui, la France n'est pas vraiemnt aussi démocratique que l'on voudrait - mais je dirais explicitement que ce n'est pas par système politique mais par culture, une sorte d'auto-répression (bon d'accord, la fameuse bureacracie patientez-trois-ans-dans-le-couloir-d'attente donne l'impression de non-choix, mais tenons-nous à la culture pour cette fois).

Tu le soulignes bien d'ailleurs: la peur de publiquement salir une personne. On est facilement indignés par les commentaires peu savoureuses.

Ici, de l'autre coté de la Manche, et là bas chez nos amis outre-Atlantiques, nous adorons nous moquer des grands personnages.... Ce n'est que dans les "upper classes" où un plus fort "sense of propriety" se fait ressentir ("Oh, I do say, ma'am, how rude of you....") En France, la hiérarchie se respecte, du moins dans le sens de ce qu'on ose dire publiquement. Si l'on critique, il faut que ce soit clinique. En Grand Bretagne, on se lance des "chides" sur le sol du Parliament et sur les "back benches" (you know, heckling of a rather coarse nature - I could see a bunch of Wonderland characters on the back benches, it would not be so out of place in truth...)

En France cependant, ce comportement est réservée à la populace, aux cours d'écoles, et, si on ose, aux diners informels, mais sans plus.

Si au moins on pouvait une fois pour toutes du "vous" de politesse cela forcerait un changement de manière de penser. En anglais, "You" était la forme de politesse, "Thee/thou/thy" étaient le tutoiement. On s'en est débarassés, et c'est bien fait d'ailleurs. Une proposition pour l'Académie.


Juste une réflection:
-William "Bill" Clinton
-Anthony "Tony" Blair
-Sir Menzies "Ming" Cambell
-Nicolas [?] Sarkozy

Vive Napoléon.

David a dit…

Je commente en retard. Intéressant. De Tocqueville (hé oui, toujours lui) disait, dans L'Ancien Régime et la Révolution, que (je paraphrase) les français avaient décapité la roi mais ne se sont jamais réellement débarassé de la fonction. Possible.

Anne Losq a dit…

Très intéressants ces commentaires! DuCakedHare, je suis d'accord que c'est un problème de culture, mais finalement la politique d'un pays c'est aussi le reflet de sa culture, non?
Mais c'est sur qu'en France, dans beaucoup de domaines, il y a une révérence pour la hierarchie, l'élite, et, en politique, pour "l'homme/la femme providentiel(le)" qui va permettre de tout remettre en place et en ordre. Mais est-ce que ça changera un jour? Peut-être que si toutes les populations françaises étaient vraiment représentées dans le système, cette hierarchisation des rôles deviendrait plus souple, et que la vraie représentation de la population française supposerait une réorganisation dus système politique? Simple hypothèse dont je ne connais absolument pas la répoonse, donc si vous avez des idées ou des avis...